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La main gauche de la nuit

Par JEAN-PHILIPPE ZANCO, publié le mercredi 1 mai 2024 09:44 - Mis à jour le mercredi 1 mai 2024 09:45
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Un roman de SF qui questionne la guerre, le genre, le lien politique.

La main gauche de la nuit, d'Ursula K. Le Guin est un roman de science-fiction initialement publié en 1969, qui vient d'être réédité dans une belle collection chez J'Ai Lu.

D'abord, l'autrice : Ursula K. Le Guin est une des rares autrices de science-fiction, plus connue pour sa saga de fantasy des "Contes de Terremer". Elle commence une carrière de romancière assez tard, après une thèse sur la poésie de Ronsard et après avoir enseigné à l'université. Décédée en 2018 à 88 ans, mentionnée plusieurs comme lauréate possible du prix Nobel de littérature, la bibliothèque américaine du Congrès l'a déclarée en 2000 "légende vivante".

Comme ses autres romans de SF, "La main gauche de la nuit" est loin du space opera hyper-technologique. Ursula K. Le Guin privilégie les intrigues politiques et les conflits psychologiques entre les personnages (comme dans "Dune", de Frank Herbert, par exemple). Le roman s'inscrit dans le cadre du "cycle de l'Ekumen", une série de romans qui se déroulent dans le même univers, mais il peut se lire de façon complètement séparé des autres.

L'histoire, donc. Genly Aï est un diplomate envoyé par l'Ekumen, une organisation intergalactique pacifique qui cherche à créer une vaste zone d'échanges culturels et commerciaux. Dans cet univers, tous les peuples de l'univers sont des humains, dérivés d'une lointaine souche commune oubliée que, précisément, l'Ekumen essaie de retrouver (mais c'est secondaire). Genly AÏ arrive sur la planète Nivôse, un monde froid et hostile, très peu peuplé. L'Ekumen considère que Nivôse pourrait rejoindre l'organisation, même si la population qui y vit ne connaît pas le voyage spatial. Genly Aï découvre rapidement qu'outre l'hostilité du climat, la situation politique est très tendue. Surtout il n'est pas le bienvenu : non seulement il a la peau noire, mais surtout, c'est un homme.

Or, sur Nivôse, les habitants sont hermaphrodites. Ils n'ont pas de sexe apparent, sauf pendant une courte période de poussée hormonale (le kemma) où ils deviennent brièvement homme ou femme, le temps d'avoir une relation sexuelle avec le partenaire de leur choix.

C'est là que le roman est vraiment intéressant : Nivôse n'a jamais connu la guerre. La violence y existe, mais elle est surtout larvée, elle s'exprime par des règlements de compte. L'autrice fait un parallèle entre la tension politique et la tension sexuelle qui anime périodiquement les habitants de Nivôse, entre la guerre et la séparation nette des sexes (comme sur la Terre par exemple). On sent qu'Ursula K. Le Guin a fait des études d'anthropologie : la société de Nivôse est complètement crédible, jamais caricaturale, sa description est très sociologique et très précise.

Genly Aï a beaucoup de mal à comprendre cette société. Il ne peut s'empêcher, face à ses interlocuteurs, de rechercher leur côté féminin ou leur côté masculin. Traqué par une faction hostile, menacé de mort, il va cependant trouver l'amitié et entamer une longue errance sur Nivôse pour essayer de mener à bien sa mission.

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