Auteur en résidence au CDI

Là où j'ai résidé

Publié le jeudi 16 mai 2019 17:35 - Mis à jour le jeudi 6 juin 2019 15:50
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Parcours poétisé de cinq semaines de résidence

« Là où j’ai résidé »

 

Souvenirs de la résidence d’auteur d’Alexandra Fritz

« Là où je réside », au Lycée Le Garros

du 04 au 22 février et du 06 au 17 mai 2019.

Bilan tissé autour du texte écrit pour l’occasion, offert et lu à chaque rencontre.

 

 

Là où je réside

C’est là où ma voix s’exprime

C’est là où je suis même sans y être

C’est le lieu qui me ressemble

C’est lorsque je ressemble à un lieu

 

Cette résidence a dès l’origine été conçue comme un lieu partagé ; ce n’était pas seulement moi, l’auteur, l’autrice, l’écrivain, l’écrivaine de Branques, aux éditions Grasset, qui allait résider ici ; ce serait un accueil mutuel et un échange constant – et grâce à l’aide de partenaires officiels ainsi qu’au dynamisme de toutes les équipes, des élèves, des adultes, des jeunes – d’ailleurs, spéciale dédicace pour Catherine Malet du CDI – cette relation de partage sous le regard aigu de M. Benjamin Paul fut une belle réussite – alors, bravo – Là où je réside, c’est là où nos présences font sens, ensemble. merci !

 

C’est un souvenir qui porte mon nom

C’est une personne que je cherche et qui ne me reconnaît pas

Ma résidence est de toute forme, tout couleur, elle exprime ma solitude

Et mes moments de joie partagée

Mon résidu est la trace que je laisse en partant – dans un regard, dans un silence

et dans des années de patience qui ne font rien oublier

 

Assister comme membre du jury au concours de nouvelles « Des mots doux », organisé le jour de la Saint-Valentin – gratification immédiate : il y a du monde, et du beau – plaisir d’encourager les auteur-e-s en leur chantant Barbara, Ma plus belle histoire d’amour – plaisir d’aider chaque écrivain-e, en solo et en groupe – plaisir d’être acceptée comme œil et oreille, témoin du fond et de la forme – les secrets demeurent autant que le style – émotion profonde à lire, discuter et récompenser ces déclarations justes, fraternelles ou sororales et combien amoureuses, ces mots sensibles, vibrillonnants – cœur avec les doigts

 

Mon accueil et mes habitudes neuves

Mon sourire multiplié par deux cent cinquante élèves

croisés dans les couloirs

entrevus pendant les cours

 

Deux cent cinquante élèves ? Bien plus ! Il y en a du monde dans ce lycée, et des salles de classe à retrouver/reconnaître/rejoindre d’un horaire à l’autre, d’un escalier à l’autre, chargée de dictionnaires, de revues d’art, d’albums jeunesse, de citations, de feuilles, de post-it fluos et de feutres multicolores ! – mais dès la porte franchie, sourire sincère, ravi, engageant, stimulus progressus, à nous la création ! – les Pense-Poètes avec Sophie Garreau et des Secondes A ouverts à une explosion de beauté (il pleuvait de la poésie, si, si), dans le temps et l’espace – les re-créations autour de la création des Secondes C – Qu’est-ce que la littérature, Ô Capitaine, mon Capitaine ? – emmenés par Jannique Seroux, cantatrice à l’intérieur et à l’extérieur – ensemble, créateurs d’aléatoire et de Happy Vendredi – happening et globe-trotters du verbe – arigato & big thanks

 

Marée si dense ma résidence elle est pleine comme un œuf

Elle niche au creux du quartier neuf qui ne l’est plus vraiment

 

La création a ceci d’immédiat qu’elle change le vieux en neuf et le neuf en surprenant ; matinée chargée pour l’équipe pédagogique des 3e PEP en EPI avec Olivier Merlin – quelle langue parle-t-on aujourd’hui ? Celles de l’image et du mouvement, contre les discriminations – handicap, sexisme, préjugés et racisme, ces vieux, très vieux prétextes à création – stop-motion pour dire stop tout court – parce que nommer, c’est agir ; parce qu’animer, c’est remplacer de vieilles bêtises par de jeunes intelligences aux énergies tout sauf fossiles – choukran

 

Résider c’est habiter un temps, un espace, c’est noter l’essentiel

de ce qui m’y touche et m’y retient

de ce qui m’y trouble et m’en pousse à repartir dehors

chercher de nouveaux liens, de fraîches évasions

 

Mercredis après-midis, séances libres pour internes volontaires – elles furent 3 talents, 3 poétesses, 3 réfléchies, 3 parlantes – nous avons résidé dans un ailleurs nourri de nous 4 et de nos références, des 5 questions fondamentales et des infinis principes de la création littéraire – elles furent 3 paires d’oreilles et tellement plus – longue vie aux filles lettrées qui deviendront des femmes de l’être – beauté, sens et nécessité

 

Le plaisir de rentrer là où je réside

est une répétition dont la finalité est la même pour chacun, pour chacune

il s’agit d’être un, d’être une, dans le magma des autres

qui parfois me suffoque

qui parfois me débloque

 

Claustrophobie dans le Nostromo, colonisé par un terrible Alien – Sueurs froides face au tueur en série, vengeur de la société – D’où surgit la création ? Combien de temps ça prend de savoir quoi écrire ? Quels détails imaginer/conserver/développer ? Comment dire l’image et dessiner le son ? Et si on tourne en rond, où atterrira-t-on ? – Perdus dans le cosmos ou dans une épicerie, en version cinéma ou Numook, les Premières STL, les Secondes D, Emmanuelle Meignan, Christiane Garrabos, Catherine Malet et Guillaume Rumeau ne sont pas revenus indemnes de leurs aventures – à croire que dans « littérature », il y a souvent « ratures » – taïaut !

 

Là où je réside, c’est là où j’existe

Là où nous résidons, c’est là où nous essayons de noter

que cette existence-là peut être aussi unique

que nous sommes des milliers.

 

Noter son existence pour mieux se dire – grâce à Mme Gomez et M. Cavalière, dans l’atelier professionnel des Secondes Maintenance Mécanique, le comptoir de service s’est mué en comptoir à palabres – Je me nomme, me présente ; j’entre dans le carré fluo que je vais accrocher ; j’étais là, toi aussi ? – Tire ton texte au sort, il est numéroté, tu as le combien ? J’ai le suivant – On change, on mélange, qui saura écouter comme ce silence, « C’était tellement beau ? » – Papiers collés à l’atelier, papiers collés au CDI, papiers collés dans la cour – Mots lancés, fredonnés, exprimés, découpés – aux ciseaux ? bien mieux : au laser ! – Au FabLab naissent des mots uniques, bruissants et brûlants, par voie mécanique – Arthur et Anthony de l’association TechnoLab32 invitent, accueillent, accompagnent – ceux-là, c’est certain, ne sont pas atteints de « misonéisme » – portraits tirés, comme mon chapeau !

 

Ma résidence a fait feu de tout bois et même bain de soleil à quelques jours de s’achever. J’ai chargé de mes effets ce CDI propice aux rencontres des Premières STI avec Mme Huret, aux mises en condition « littéraire » de classes suivies par M. Lenaert et à mes propres recherches – J’ai habité les salles de classe, la salle informatique, l’atelier de maintenance, l’amphithéâtre, la cour centrale et les couloirs, le micro de la vie scolaire, les vitres à scotcher jusqu’au foyer – J’ai pris de réconfortants déjeuners au self, des cafés en salle des profs et réussi à avancer sur mon troisième livre en projet (inspirante, la vibration des premiers oraux du Bac ?)

 

Un dernier événement musical et poétique, mené le jeudi 16 mai par des élèves musiciens, dont Olivia et Alexandre, avec l’aide de Jeff, clôtureront cinq semaines à leur image : intenses et généreuses. Et puis… bientôt l’été… le temps de lire, le temps d’écrire ?

– Je vous le souhaite !

 

Pour ma part, avec la parution en janvier 2020, toujours chez Grasset, d’un deuxième roman : Les Évadées – et, entre autres projets, l’actuelle conception circonvolutoire du troisième – littérature et création, écriture et oralité resteront à mon programme pour mon plus grand bonheur.

 

Comme là où j’ai résidé ne reste jamais figé – j’espère que pour une prochaine page et de nouveaux ramages, bientôt, j’y reviendrai.

Alexandra Fritz