La ferme du Hautquoi et le projet "Mayage"
Afin de comprendre ce qui se cache derrière le projet MAYAGE conduit par Arbre et Paysage 32, vendredi 5 mars 2021, des éco-délégués se sont déplacés à Leboulin, afin de découvrir la ferme du Hautquoi, de Vincent BLAGNY, exloitation entièrement BIO depuis 2021.
Trois acteurs du projet MAYAGE nous accompagnaient pour cette présentation :
- Emilie BOURGADE, responsable du projet MAYAGE chez Arbre et Paysage 32
- Vincent BLAGNY, agriculteur éleveur, membre du bureau d'Arbre et Paysage 32
- Laurent DULAURIE, apiculteur
Qu'est-ce que le projet MAYAGE ?
Le sous-titre du projet est " Apiculture sédentaire en contexte agroforestier".
Jadis, c'est à dire avant les années 1960, le paysage agricole gersois permettait aux apiculteurs de conserver leurs ruches à un emplacement fixe car les abeilles trouvaient de la nourriture de qualité et en quantité suffisante tout au long de leur période d'activité (entre février et octobre).
Avec le grand remembrement agricole des années 1960-1970 de nombreuses haies bocagères et parcelles boisées ont été rasées pour créer d'immenses champs d'une part et le déploiement de grandes coopératives agricoles a restreint les variétés cultivées (colza, maïs, blé, tournesol) au détriment de la biodiversité et des espaces en prairies pâturées.
Une des conséquences de ce modèle agricole est la nécessité, pour les apiculteurs, de devoir déplacer leurs ruches pour éviter les périodes de disette entre les fleur de colza et les fleurs de tournesol; faute de quoi les abeilles mourraient de faim. Ce déplacement s'appelle la transhumance.
Cette transhumance n'est plus voulue (aller chercher un miel spécifique monofloral à une période donnée) mais subie.
Le projet MAYAGE s’intéresse à la question de la ressource florale dans les paysages de grandes cultures et à la pertinence des pratiques agroforestières au sens large. Il fait l’hypothèse qu’à travers des pratiques agricoles innovantes, associés à une réflexion sur les problématiques apicoles (choix d’espèces mellifères et pollinifères plantées ou en développement spontané, décalage des périodes de fauche après floraison, etc.), les agriculteurs participeraient activement à la sauvegarde des abeilles et de l’ensemble des pollinisateurs
Pourquoi la ferme du Hautquoi ?
- Parce que cette fermer héberge un rucher sédentaire depuis plusieurs années et dont les abeilles trouvent toutes les ressources nécessaires à leur développement ainsi qu'à la production de miel récolté par l'apiculteur.
- Parce que Vincent BLAGNY a commencé à y planter des arbres dès 1997 avec tout d'abord des haies puis à l'intérieur de parcelles en agroforesterie depuis 2010.
- Parce que, outre les parcelles en agroforesterie, cette ferme pratique une agriculture paysanne c'est à dire qui tire profit (et donc respecte) du "pays" tel qu'il est, sachant préserver des espaces naturels sources d'enrichissement des espaces cultivés; ce n'est donc surtout pas une monoculture à grande échelle mais bel et bien un modèle agricole viable et sain.
Lorsqu'en 1996, Vincent BLAGNY se lance dans l'élevage de poulets à chair sur la ferme, il constate que ses poulets sont plus calmes, grossissent plus vite et mangent moins dans les mangeoires qu'il alimente avec des céréales quand la clôture mobile du parcours (les poulets sous le label "Poulets du Gers" doivent bénéficier d'un parcours en plein air) leur permet d'accéder au bosquet de chênes qui donne de l'ombre en période estivale. En tant que producteur de volailles cela se traduit, à la fois, par moins de pertes d'animaux dues au stress, un prix de vente plus élevé pour une même durée d'élevage et moins de dépense en nourriture.
Dès 1997, Vincent plante une haie en bordure de son parcours et constate que la volaille se déploie sous ce couvert végétal qui fournit de l'ombre et rassure car protège les poulets des rapaces prédateurs (même si ces derniers ne s'intéresse qu'à des proies plus petites que sont les poussins) et d'un fort ensoleillement estival. En outre, l'hiver, cette haie coupe le vent dominant froid et permet de moins dépenser d'énergie pour chauffer les bâtiments d'élevage.
Toujours en proie à la réflexion, Vincent constate que finalement la prairie n'est que peu parcourue par ses poulets, encore moins par fortes chaleurs et, en 2010, il décide d'ajouter des alignements d'arbres sur la prairie mais sans s'interdire de pouvoir cultiver ultérieurement cette parcelle et avec des essences précieuses qu'il pourra revendre comme bois d'oeuvre (bois servant à la fabrication de meubles ou de charpente) lorsqu'ils seront suffisamment grands (noyer, merisier, cormier, alisier):
- Pour pouvoir cultiver entre les arbres, un espacement de 14 mètres permet l'évolution des machines agricoles dont les plus larges encombrements font 12m.
- Pour prévenir tout risque d'épidémie, plusieurs essences d'arbres sont mélangées.
- Les fruits des arbres sont récoltés par l'agriculteur ou nourrissent les poulets.
- Environ 20% des fientes de poulets sont disséminées sur le parcours et enrichissent le sol.
- Lorsque Vincent taille ses arbres, il laisse sur place une partie des branches de façon à apporter là encore de la biomasse au sol. (le reste peut être entassé pour servir d'abri naturel à la biodiversité mais aussi utilisé en broyage raméal fragmenté pour un paillage fertile de cultures maraîchères ou de jeunes plants d'arbres ou encore en plaquette ou granulés pour être brulé et produire du chauffage pour sa maison). Sur le parcours, Vincent ne procède pas à une taille en "trogne" des arbres et réserve cette technique à la ripisylve (arbres et arbustes qui poussent en bord de cours d'eau) qui, spontanément, pousse en bordure du ruisseau qui traverse son lac de retenue collinaire. (lien vers le documentaire "trognes, les arbres aux mille visages")
- La biomasse constituée par la chute des feuilles (seules des essences feuillues sont utilisées) est là encore un formidable apport fertile pour le sol (cycle vertueux) avec une seule emprise au sol correspondant au diamètre du tronc, ne pénalisant pas la surface dédiée à la culture ou à l'élevage.
- L'agroforesterie agit comme un amortisseur du réchauffement climatique (les arbres transpirent et font ainsi chuter la température de l'air, c'est pourquoi il fait toujours bon en forêt l'été. De plus leur ombre préserve la végétation herbacée et le sol du dessèchement sans nécessité d'iriguer). Les arbres, qu'ils soient plantés ou qu'ils aient poussé seuls, régulent l'eau des sols en limitant l'érosion et en agissant comme ascenseurs hydriques pour les cultures céréalières ou herbacées.
- L'agroforesterie participe à l'enrichissement de la biodiversité (les arbres sont des abris et des sources de nourritures pour de nombreuses espèces). Les différentes espèces d'arbres ont des floraisons étalées dans le temps fournissant de la nourriture pour les abeilles du rucher sédentaire sur une longue période.
Vue aérienne de la ferme du Hautquoi de Vincent BLAGNY et Sylvie ALBIGES:
Pour en savoir plus sur l'agroforesterie et son application sur la ferme du Hautquoi:
- Livret "Agroforesterie en Armagnac" publié par Arbre et Paysage 32
- Le site de l'association française d'agroforesterie
- Vincent BLAGNY interviewé sur son projet en agroforesterie
- Le guide technique d'aménagements arborés des parcours de volailles du projet Cas DAR Parcours de volailles
Nota : des "peignes" sont des haies basses destinées à protéger les trappes de sorties des bâtiments d'élevage du vent.
Chemin faisant, nous avons ...
Fait connaissance avec nos hôtes qui nous ont expliqué le projet MAYAGE
La première parcelle en agroforesterie plantée en 2010
La ripisylve faisant haie à la parcelle précédente
Une nouvelle parcelle en agroforesterie ainsi qu'une haies plantées en 2021 pour le parcours des poules pondeuses
Le lac de retenue collinaire
Une exploitation agricole diversifiée avec de l'élevage aussi
Le rucher est sédentaire grâce au paysage diversifié de la ferme
Merci à Emilie BOURGADE, Vincent BLAGNY et Laurent DULAURIE pour leur accueil et accompagnement riche d'enseignements pour l'avenir de l'agriculture gersoise en harmonie avec les pollinisateurs.
Merci aussi aux éco-délégués présents :
- Lola BLANCHARD
- Ivana GIRAULT
- Tom LARRIBEAU
- Jean CLANET
- Paul PEDROZA
- Marie-Claire SILVENTE
Catégories
- Année 2020-2021