Vie de l'élève

Le Noël de Nora par Ketsia CHANTREL

Par GUILLAUME RUMEAU, publié le mardi 14 mai 2019 12:39 - Mis à jour le mercredi 15 mai 2019 11:01
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Découvrez la nouvelle de Ketsia primée au concours de défense et d’illustration de la langue française.
Ketsia CHANTREL de 2nde E a été primée au niveau national au concours de défense et d’illustration de la langue française. Elle a remporté le 1er accessit du Prix Maupassant de la Jeune Nouvelle.

 

Le Noël de Nora

Les parents de Nora vivaient à Paris, dans une petite maison avec un jardin devant. Les volets des fenêtres étaient bleu ciel et les murs blancs. À l’étage, Nora avait sa propre chambre, en face de celle de ses parents. Les murs de la maison étaient tous beiges et des cadres-photos étaient alignés dans le couloir, représentants Nora et ses parents quand elle était enfant. Dans le salon, la mère de Nora tricotait un nouveau pull bleu, assise dans le canapé en cuir. En face, dans un fauteuil, Nora lisait un livre en pensant à son père. Il était parti il y a deux semaines de cela dans un petit village dans le centre de la France pour échapper aux Allemands. Nora et sa mère devaient le rejoindre là-bas après les fêtes de fin d’année, dans une dizaine de jours.

Le lendemain matin, à la demande de sa mère, Nora partit à pied au marché acheter de quoi manger ce midi. Elle prit des légumes, un lapin et du fromage de brebis. Une heure plus tard sur le chemin du retour, elle vit sa voisine sur son perron, faisant de grands gestes avec les bras et demandant à Nora de venir. Une fois à sa hauteur, elle remarqua l’air inquiet et effrayé de la vieille dame.

« Ma pauvre Nora, il y a eu une rafle dans tout le quartier : ils ont emporté votre mère. La pauvre est partie avec les Allemands, en décrétant qu’elle vivait seule pour vous protéger. Vous ne pouvez plus retourner chez vous, c’est trop dangereux. », déblatéra-t-elle à une vitesse folle.

Les yeux de Nora s’écarquillèrent d’effroi et elle commença à prendre peur intérieurement. Qu’était devenu sa mère ? Allait-elle bien ? Et qu’allait-elle faire maintenant ? Rejoindre son père ?

Elle se posa longtemps cette dernière question, avant de prendre sa décision. Elle prit ses affaires avec elle, laissa à sa voisine ses achats du marché, et courut en direction de chez elle. Tout était calme, pas un bruit à l’intérieur de sa maison et les oiseaux ne chantaient guère. Sur la porte d’entrée, des scellés avaient été posés et empêchaient Nora d’accéder chez elle. Elle fit prudemment le tour de sa maison pour atterrir dans son jardin. Elle se dirigea directement vers un petit cabanon en bois au fond du jardin, récupéra une boîte en carton cachée sous des tonnes d’objets en tout genre, et en sortit ce qu’elle cherchait : son passeport juif, un peu d’argent et les indications pour rejoindre son père.

Elle était directement partie de chez elle et s’était dirigée vers la gare la plus proche.

Arrivée à la gare, elle se faufila entre les nombreux passagers et chercha un train qui partait vers le sud. Celui-ci trouvé, elle attendit près de vingt minutes son départ et monta clandestinement dans le dernier wagon qui était vide. Elle espérait ne croiser personne et ne pas être éjectée du train pendant le trajet.

Après de longues heures de trajet, cachée dans son wagon, Nora sortit enfin du train et traversa la gare dans laquelle elle se trouvait. L’air était froid et humide, le vent fouettait ses cheveux et de minuscules flocons de neige commençaient à tomber sur le sol. Nora traversa la place publique décorée pour Noël et quitta la ville. Elle marcha le long de petites routes sinueuses, traversa un champ de moutons blancs et passa sur un petit pont en bois au dessus d’un ruisseau. La nuit était tombée depuis longtemps quand Nora vit la forêt se dresser devant elle. Les arbres étaient hauts et avaient perdu toutes leurs feuilles. Nora entra dans la forêt et suivit un petit sentier de terre et de neige entre les troncs d’arbres et les buissons rabougris. Elle savait que la frontière qui séparait la France occupée par les Allemands de la France libre se trouvait dans cette forêt et, qu’une fois qu’elle y serait, elle aurait atteint son objectif.

Quelques minutes plus tard, au détour du sentier, elle aperçut un homme assis sur une souche d’arbre qui portait un uniforme de soldat. Nora reconnut immédiatement cet uniforme comme étant celui des Allemands.

C’était un vieil homme, avec une longue barbe blanche et touffue. Son uniforme allemand était usé et sans doute aussi vieux que lui. Il avait une petite lampe à huile posée à ses côté et il fredonnait un chant dans sa barbe. Quand il vit Nora, il se leva de la souche d’arbre et demanda à la jeune femme :

« Est-ce que je pourrais voir vos papiers d’identité, s’il vous plaît ? »

Nora écarquilla ses yeux, elle ne voulait pas que cela s’arrête là, sa vie n’était pas encore finie, elle avait encore tant de choses à vivre. Elle tendit à contre-cœur ses papiers au soldat, sur lesquels il était indiqué qu’elle était juive, et scruta l’expression de l’homme.

Le vieil homme inspecta les papiers et jeta un regard vers cette femme. Un sourire se dessina sur son visage, pas un sourire machiavélique mais un sourire bon, réconfortant. Il se décala ensuite du chemin, et sous le regard ébahi de la jeune femme, il lui dit :

« Joyeux Noël ! »

Nora passa devant l’homme et continua son chemin dans la forêt, abasourdie.

Le matin suivant, le vingt-cinq Décembre, elle arriva sur la place d’un petit village. Les gens commençaient à se réveiller et, à quelques mètres d’elle, Nora aperçut son père debout sur la place du petit village.

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